Par Francis Schreiber
Bien que le ciel nocturne puisse paraître figé au premier abord, il s’avère que lorsqu’on y regarde de plus près, bien des choses sont en mouvement. En effet, contrairement aux étoiles, qui sur l’échelle d’une vie humaine paraissent être immobiles (si l’on omet leur mouvement apparent dû à la rotation de la planète Terre), les planètes, les lunes et autres astres du système solaire, eux, possèdent des mouvements apparents propres ne dépendant pas que de celui de l’orbite terrestre. De ces mouvements apparents observés depuis le référentiel terrestre, en découlent bien des évènements que l’on nomme « événements astronomiques ».
Parmi ces événements astronomiques, il arrive parfois que, depuis le point de vue d’un observateur terrestre, deux astres viennent à s’aligner dans son champ visuel : en résulte alors l’occultation, partielle ou totale, d’un des deux astres par l’autre. A noter que les très populaires éclipses solaires, correspondent à des occultations du Soleil par le satellite naturel de la Terre, la Lune. La thématique d’aujourd’hui va se concentrer sur l’occultation de Mars par la Lune terrestre qui aura lieu ce 8 décembre 2022.
Une disposition orbitographique peu courante
Bien que l’occultation, de manière générale, ne soit pas un phénomène rare, celle d’une planète par la Lune n’est pas récurrente au point d’avoir lieu chaque mois. Pour preuve, en 2022, l’événement a lieu trois fois (dont celui en date du 8 décembre). Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la Lune n’emprunte pas tout à fait le même plan de rotation que celui de la majorité des grands astres du système solaire. Pour rappel, la plupart des astres planétaires du système solaire observables à l’œil nu depuis la Terre, possèdent un plan orbital très proche de celui de l’écliptique. L’écliptique correspondant, de façon simplifiée, au plan orbital sur lequel se trouve la Terre par rapport au Soleil (ce plan est visualisable par le tracé apparent que réalise le Soleil dans le ciel au cours du cycle diurne de la Terre). Malgré le fait que le satellite naturel de la planète bleue possède une orbite relativement proche de l’écliptique, celle-ci présente tout de même un sensible décalage en plus d’une variation orbitale cyclique bien définie dû aux interactions gravitationnelles avec la Terre ainsi que le Soleil.
En outre, cette occultation se produira en parallèle d’un autre événement astronomique nommé « opposition ». L’opposition d’un astre avec un autre se fait toujours par rapport à un référentiel commun, comme dans le cas présent, l’opposition de Mars avec le Soleil par rapport à la Terre. Cette période d’opposition désigne un instant orbital durant lequel au minimum trois astres donnés sont relativement alignés et dont deux se trouvent de part et d’autre du référentiel commun (en termes astronomique ils sont à 180° l’un de l’autre sur l’ascension droite) qui correspond au troisième astre.
La particularité de l’événement du 8 décembre réside dans la combinaison du phénomène de l’occultation de Mars par la Lune, ainsi que de l’opposition de Mars avec le Soleil par rapport à la Terre. En d’autres termes, aura lieu un alignement orbital, cependant approximatif, entre le Soleil, la Terre, la Lune terrestre et Mars (voir figure 2).
Contrairement aux deux autres occultations du même type cette année, celle-ci est la première et la seule visible depuis l’Europe de l’Ouest.
Un déroulement en trois temps mais de courte durée
Les occultations sont des évènements généralement très prompts et polyphasés.
On distingue trois phases aux phénomènes d’occultations totales : l’immersion, l’occultation totale et l’émersion. L’immersion désigne le moment où l’astre occulté commence à disparaître, jusqu’à sa disparition totale, l’occultation totale désigne le moment où l’astre occulté n’est plus visible dans le champ visuel et l’émersion, quant à elle, correspond à la phase où l’astre occulté commence à réapparaître dans le champ visuel jusqu’à sa réapparition totale (voir figure 3). A noter que ces désignations ne sont plus valables lors d’une occultation partielle (par exemple, l’éclipse solaire partielle). On parlera alors plutôt de « pic d’occultation » pour désigner le moment où l’astre occultant masquera la plus grande surface de l’astre occulté dans le champ visuel durant le phénomène.
La durée des occultations est très variable selon les astres qui entrent en jeu. Pour l’occultation d’une étoile par une planète, l’échelle de temps est de l’ordre de quelques secondes généralement. En revanche, dans le cas d’une planète occultée par le satellite naturel de la Terre, le phénomène est très variable selon la courbe orbitographique empruntée par l’astre. Pour l’occultation de Mars par la Lune le 8 décembre 2022, celle-ci s’étalera plutôt sur une heure en Europe de l’Ouest, là où elle ne se produira que sur une cinquantaine de minutes en Amérique du Nord.
Cette durée n’est pas anodine, elle correspond approximativement au temps que met la Lune à se déplacer d’un demi-degré sur le ciel. Un demi-degré correspondant environ à un diamètre lunaire dans le ciel. Et depuis l’Europe, la Lune fera prendre à Mars un chemin qui sera relativement diamétral. A noter qu’au cours de cet événement, on ne s’intéresse qu’au mouvement lunaire, le mouvement orbital de la planète rouge étant considéré comme négligeable sur ce court laps de temps car non-perceptible à l’œil nu.
L’événement débutera autour de 6 heures (heure de Paris : GTM +1), laissant tout de même un peu de temps à chacun pour avoir un peu de sommeil pour se préparer à la journée…
Un évènement accessible à tous… si la météo le permet
Que ce soit à l’œil nu, à la paire de jumelles, à la lunette astronomique ou bien au télescope, cet événement demeure très ludique ! Mais bien évidemment, quand l’on est à la recherche du spectaculaire, c’est avec une lunette ou un télescope qu’il faut y assister. En visant un grossissement de 150 ou plus, les détails de Mars peuvent même être accessibles si l’instrument possède un diamètre suffisamment grand pour prodiguer la résolution adéquate. Si l’instrument manque de résolution, un grossissement de 100 suffit largement pour profiter de l’événement et s’extasier de la beauté lunaire.
Pour être sûr de ne pas manquer l’émersion (moins aisée à anticiper), il est possible de passer par l’application de Celestron : SkyPortal. Disponible sous iOS et Android, cette application du ciel, gratuite, permet d’obtenir une carte du ciel numérique interactive. Celle-ci est configurable pour utiliser les coordonnées GPS du Smartphone ou de la tablette, ou bien pour y intégrer directement les coordonnés qui intéressent l’utilisateur, en allant dans les réglages de l’application. Ainsi grâce à cette application, en indiquant la date du 8 décembre 2022 à 6 heures du matin (AM) et en visant la Lune, l’immersion ainsi que l’émersion sont abordables (voir figure 4).
Bien évidemment, comme tout événement astronomique, celui-ci est accessible selon le bon vouloir des conditions météorologiques de la zone où se trouve l’observateur. Pour parer à de mauvaises surprises, l’application MeteoBlue, disponible sous iOS ou Android, permet une visualisation future du déplacement des masses nuageuses. Un très bon compagnon pour les astronomes !
Pour les personnes qui vivent en ville, hormis les turbulences atmosphériques (mouvements d’air dus aux variations de pression et température, générant des phénomènes de réfraction), pas d’inquiétude, la pollution lumineuse comme le smog n’impacteront que très peu la visibilité globale de cet événement, la Lune et Mars étant très lumineuses toutes les deux.